Surveillance sentinelle des blessures et des intoxications liées à la consommation de substances au Canada Publié le : ()
Une attention accrue a été portée aux blessures et aux intoxications liées à la consommation de substances au Canada au cours des dernières années en raison des menaces émergentes pour la santé publique, plus particulièrement associées à la crise des surdoses d’opioïdes, à la consommation de cannabis et à l’émergence des cigarettes électroniques sur le marché canadien.
Ce blogue de données est le premier d’une série présentant des statistiques sur les blessures et les intoxications liées à la consommation de substances signalées par le Système canadien hospitalier d'information et de recherche en prévention des traumatismes (SCHIRPT).
Ce premier blogue de données fondées sur des analyses de la base de données électronique du SCHIRPT (eSCHIRPT) résume les principales conclusions d’études de surveillance récentes et à paraître. Les blogues de données subséquents présenteront des statistiques de l'eSCHIRPT en temps quasi réel sur une variété de substances à des intervalles réguliers tout au long de 2020-2021.
Opioïdes
Entre janvier 2016 et décembre 2019, il y a eu plus de 15 300 décès apparemment liés aux opioïdes au Canada, et 72 % des décès découlaient de l’usage d’un ou de plusieurs types de substances non opioïdesFootnote 1. De nombreuses surdoses mortelles résultent de l’offre illégale de drogues contenant des opioïdes synthétiques hautement toxiques comme le fentanyl et des analogues du fentanylFootnote 2. Entre janvier 2016 et décembre 2019, il y a eu 19 377 hospitalisations pour intoxication aux opioïdes au Canada (excluant le Québec)Footnote 1, et peu de données laissent présager que la crise s’atténue. Pour obtenir de plus amples renseignements sur les mesures prises par le gouvernement du Canada pour régler la crise des opioïdes, consultez la section intitulée Mesures fédérales sur les opioïdes – AperçuFootnote 3.
Ce que l’on sait d’une étude du SCHIRPTFootnote 4 sur les opioïdes :- Entre mars 2011 et juin 2017, 583 cas présumés d’intoxications ou de blessures liées aux opioïdes ont été signalés dans l'eSCHIRPT.
- L’utilisation récréative d’opioïdes était plus courante chez les adultes.
- Comparativement à tous les types de blessures signalées dans la base de données du SCHIRPT, les cas liés aux opioïdes étaient plus susceptibles :
- de concerner les femmes;
- d’être des cas d’automutilation;
- de survenir à la maison ou dans un établissement résidentiel;
- de survenir entre minuit et 7 h 59;
- d’entraîner une période d’observation en salle d’urgence;
- d’entraîner une admission à l’hôpital.
- Le facteur le plus courant contribuant à l’intoxication liée aux opioïdes chez les jeunes enfants (âgés de moins de cinq ans) était l’accès aux médicaments et le manque de surveillance (ex., un enfant laissé sans surveillance qui a trouvé des pilules).
- Les tentatives de suicide représentaient la plus forte proportion de cas chez les jeunes âgés de 10 à 19 ans (33 %), puis chez les adultes âgés de 50 ans et plus (28 %) et les adultes de 20 à 49 ans (9 %).
Méthamphétamine
La consommation de méthamphétamine, un stimulant qui crée une forte dépendance qui peut avoir des effets néfastes sur le système nerveux centralFootnote 5 Footnote 6, est également un problème de santé publique émergent en parallèle à la crise des surdoses d’opioïdes. Au cours des 10 dernières années, on a observé une augmentation de la disponibilité, de l’utilisation et des méfaits liés à la consommation de méthamphétamine dans l’ensemble du CanadaFootnote 7.
Ce que l’on sait d’une étude du SCHIRPTFootnote 5 sur la méthamphétamine :- Entre le 1er avril 2011 et le 9 août 2019, 1 093 patients (97,6 cas sur 100 000 dans l’eSCHIRPT) ayant subi des blessures et des intoxications liées à la méthamphétamine ont été signalés dans l'eSCHIRPT.
- De ce nombre, 649 (59,4 %) étaient des hommes. Parmi les personnes âgées de 10 à 14 ans et de 15 à 19 ans, les femmes représentaient la majorité des cas (71,4 % et 63,7 %, respectivement). Parmi les personnes âgées de 20 ans et plus, les hommes représentaient 70,4 % des cas.
- Un peu plus du tiers des cas (n = 404, 37 %) concernaient la consommation de méthamphétamine à elle seule. Sur les 689 cas mettant en cause d’autres substances, 40,9 % des personnes avaient utilisé au moins deux autres substances avec de la méthamphétamine.
- Voici la distribution lorsqu’une seule autre substance était utilisée avec de la méthamphétamine :
- alcool (24,4 %);
- cannabis (10,7 %);
- cocaïne (7,7 %);
- héroïne (5,4 %);
- opiacé (3,6 %);
- autre substance (ex., LSD, ecstasy, médicament psychoactif) (7,3 %).
- Parmi les 1 093 patients signalés, il y a eu un total de 1 389 blessures et intoxications (27,1 % consistant en de multiples blessures).
- Les blessures multiples sont plus fréquentes chez les hommes (32,8 % contre 18,7 % chez les femmes; p <0,001).
- Plus d’intoxications ont été observées chez les patientes (71 % contre 57,4 % chez les hommes; p <0,001).
- Les blessures multiples étaient plus fréquentes chez les hommes (32,8 % contre 18,7 % chez les femmes; p <0,001).
Cannabis
La prévalence de la consommation de cannabis a augmenté au Canada au cours des dernières décennies, y compris depuis la légalisation de la consommation de cannabis à des fins non médicales en 2018Footnote 8. Les produits comestibles et les concentrés de cannabis sont légaux pour la vente au Canada depuis le 17 octobre 2019Footnote 9.Les effets néfastes sur la santé de l’utilisation du cannabis comprennent les blessures mortelles et non mortelles causées par des collisions de véhicules automobiles alors que les conducteurs avaient les facultés affaiblies par le cannabisFootnote 10; une ingestion importante chez les enfants causant des changements de niveaux de conscience et d’autres symptômesFootnote 11 et, chez les adultes, des maladies gastro intestinales, des intoxications et des symptômes psychiatriques, entre autresFootnote 12.
Ce que l’on sait d’une étude du SCHIRPTFootnote 8 sur le cannabis :- Entre le 1er avril 2011 et le 9 août 2019, il y a eu 2 823 cas liés au cannabis signalés dans l'eSCHIRPT (252,3 cas sur 100 000 de l'eSCHIRPT). Près des deux tiers de ces cas (63,1 %) étaient liés au cannabis en combinaison avec une ou plusieurs autres substances (polytoxicomanie). Environ le tiers des cas concernaient uniquement du cannabis (31,3 %), et des produits comestibles de cannabis ont été signalés dans 5,6 % des cas.
- L’âge des personnes variait de 0 à 79 ans. Les enfants de 17 ans et moins représentaient la majorité (67,8 %) des cas liés au cannabis.
- Pour toutes les catégories de cannabis combinées (cannabis seul, polytoxicomanie et produits comestibles), les hommes représentaient une proportion plus élevée de cas dans tous les groupes d’âge, à l’exception des femmes de 10 à 14 ans, qui étaient presque égales aux hommes à 50,3 %.
- Des augmentations importantes de la variation annuelle en pourcentage (VAP) ont été relevées au cours de la période d’étude. Dans l’ensemble, entre 2015 et 2018, il y a eu une VAP de 30,1 %. Entre 2013 et 2018, une VAP de 27,9 % a été observée chez les adultes, et chez les enfants, il y a eu une VAP de 35,6 % entre 2016 et 2018.
Cigarettes électroniques et substances de vapotage
Le vapotage est l’utilisation d’une cigarette électronique ou d’un dispositif semblable pour inhaler la vapeur produite en chauffant le liquide à vapoter qui peut contenir de la nicotineFootnote 13 Footnote 14 ou du tétrahydrocannabinol (THC)Footnote 14. Des recherches ont démontré que les cigarettes électroniques sont utilisées par certains pour obtenir différentes substances comme la méthamphétamine et l’héroïneFootnote 15 Footnote 16. La prévalence du vapotage a augmenté au Canada au cours des dernières années. Son utilisation est plus répandue chez les jeunes que chez les adultes âgés de 25 ans et plus, et sa prévalence parmi les jeunes a augmentéFootnote 17 Footnote 18Footnote 19. Une étude a signalé qu’entre 2017 et 2018, la prévalence du vapotage chez les adolescents âgés de 16 à 19 ans a presque doubléFootnote 19. Depuis l’apparition des cigarettes électroniques sur le marché canadien en 2018, il y a eu de nouvelles blessuresFootnote 20. Les enfants se sont intoxiqués par l’ingestion de liquide à vapoter, car il est souvent aromatiséFootnote 21 Footnote 22Footnote 23et son emballage ressemble beaucoup à celui de collations pour enfants, ce qui augmente son attraitFootnote 24. Il y a aussi des cas de défectuosités du dispositif de vapotage, comme la surchauffe des piles, ayant causé des explosions et des brûluressFootnote 22. Plus récemment, la maladie pulmonaire associée au vapotage est devenue une nouvelle menace pour la santé publiqueFootnote 25.
Ce que l’on sait d’une étude du SCHIRPTFootnote 22sur les cigarettes électroniques et le vapotage :- Entre le 1er avril 2011 et le 4 octobre 2019, 68 cas de blessures ou d’intoxications liées à l’utilisation de cigarettes électroniques ou au vapotage ont été signalés dans l'eSCHIRPT. De ce nombre, 37 cas (54,4 %) étaient des hommes.
- Un peu plus de la moitié des cas (52,9 %) concernaient des enfants de moins de cinq ans qui avaient inhalé du produit avec l’appareil ou avaient ingéré le liquide à vapoter.
- Deux adultes ont été blessés ou brûlés lorsque la pile de leur cigarette électronique a explosé dans leurs poches.
- On a signalé trois cas de traumatismes cérébraux causés par des chutes survenues après le vapotage.
- Plus de la moitié des cas (n= 35, 51,5 %) sont survenus en 2018 et 2019. Entre 2013 et 2019, il y a eu une variation annuelle en pourcentage (VAP) de 50,7 % (IC à 95 % : 15,9 à 96,1).
En savoir plus sur la source de données
Le SCHIRPT est un système de surveillance sentinelle des blessures et des intoxications actuellement en place dans les services d’urgence de 11 hôpitaux pédiatriques et de neuf hôpitaux généraux au CanadaFootnote 26 Footnote 27. Il recueille les témoignages des patients sur les circonstances de blessures avant l’événement (« Qu’est-ce qui s’est passé? ») et les renseignements cliniques sont ajoutés au formulaire de collecte de données par le personnel de l’hôpitalFootnote 26 Footnote 27. Le SCHIRPT donne une image plus complète de l’événement de blessure que les données administratives hospitalières ou sur la mortalité seulement, et signale également les cas de blessures moins graves qui ne nécessitent pas d’hospitalisationFootnote 27.
Les résultats du SCHIRPT présentés ci-dessus doivent être interprétés avec prudence, car ils ne représentent pas toutes les blessures et intoxications liées à la consommation de substances survenues au Canada. Le SCHIRPT est un système de surveillance sentinelle qui recueille des données auprès de certains services d’urgence au Canada. Les adolescents de plus de 18 ans, les Autochtones et les personnes vivant en région rurale peuvent être sous-représentés dans la base de données électronique du SCHIRPT puisque la majorité des sites visés par le SCHIRPT sont des hôpitaux pédiatriques situés dans de grandes villes. Les blessures mortelles sont également sous-représentées dans cette base puisque les données des services d’urgence ne tiennent pas compte des personnes qui sont décédées avant leur arrivée à l’hôpital ou de celles qui sont décédées après avoir été admises aux urgences à partir d’un autre service. La saisie de l’information dans la base de données électronique du SCHIRPT se fait de façon continue; par conséquent, les données de certaines années pourraient être incomplètes.