Surveillance sentinelle des intoxications liées à la consommation de substances au Canada : Pleins feux sur le cannabis Published: ()

Résultats principaux

Une attention accrue a été portée aux blessures et aux intoxications liées à la consommation de substances au Canada au cours des dernières années en raison des préoccupations émergentes pour la santé publique, comme la crise des surdoses d’opioïdes, l’introduction de cannabinoïdes synthétiques au marché illicite et l’émergence des cigarettes électroniques et des produits de vapotage sur le marché canadien. De plus, il y a eu une augmentation générale des hospitalisations et des décès liés à la consommation de substances pendant la pandémie de COVID-19 par rapport à la même période en 2019Footnote 1, Footnote 2.

Ce blogue de données présente des statistiques sur des intoxications liées à les six substances suivantes : alcool, cannabis, méthamphétamine, opioïdes, cocaïne et cigarette électronique ou produits de vapotage. Il s’agit du quatrième blogue de données d’une série présentant des statistiques sur les intoxications liées à la consommation de substances signalées par le Système canadien hospitalier d’information et de recherche en prévention des traumatismes (eSCHIRPT), et il met l'accent sur le cannabis. Le premier blogue de données a présenté les principales conclusions d’études de surveillance fondées sur des analyses de la base de données électronique du SCHIRPT (eSCHIRPT), alors que le deuxième et le troisième blogues de données ont présenté des statistiques sur les intoxications liées à la consommation de substances sélectionnées, particulièrement les opioïdes et la méthamphétamine respectivement.

La surveillance des blessures et des intoxications par le SCHIRPT et d’autres initiatives s’est poursuivie tout au long de la pandémie de COVID-19, et les futures études de surveillance examineront ses impacts sur le fardeau des intoxications liées aux substances et d’autres contextes. Ce travail contribue à faire la lumière sur les méfaits liés aux substances au Canada et complète les renseignements provenant d’autres sources de données.

Consommation de cannabis et contexte canadien

La consommation de cannabis est de plus en plus répandue au Canada Footnote 3. Entre 2004 et 2017, la prévalence de la consommation de cannabis au cours de la dernière année chez les Canadiens de 15 ans et plus a augmenté considérablement, passant de 9,4 % à 14,8 % Footnote 4. En octobre 2018, le Canada a légalisé la consommation non médicale du cannabis pour les adultes, après avoir légalisé le cannabis à des fins médicales près de vingt ans plus tôtFootnote 5. En outre, on a légalisé une plus grande variété de produits de cannabis au Canada en octobre 2019, y compris des produits comestibles et topiques ainsi que des extraits de cannabisFootnote 6.

Des travaux récents s’appuyant sur les données de l’Enquête nationale sur le cannabis ont étudié les changements dans la consommation de cannabis avant et après la légalisation et ont révélé que la prévalence de la consommation de cannabis au cours des trois derniers mois avait considérablement augmenté, passant de 14 % en 2018, à 20 % en 2020 Footnote 7. De nouvelles données suggèrent également que la pandémie de COVID-19 pourrait avoir influencé la consommation de cannabis chez les Canadiens. Des données recueillies dans le cadre de la série d’enquêtes sur les perspectives canadiennes (SEPC) suggèrent que parmi les répondants âgés de 15 à 29 ans qui avaient déjà consommé du cannabis, 43 % ont signalé avoir augmenté leur consommation de cannabis pendant la pandémie Footnote 8. Cependant, si l'on considère la consommation de cannabis dans tous les groupes d'âge, les premiers résultats de l'Enquête canadienne sur le cannabis 2020 suggèrent que la majorité des personnes ayant utilisé du cannabis au cours des 12 derniers mois ont indiqué avoir consommé la même quantité de cannabis pendant la pandémie de COVID-19 Footnote 9. Les visites au service d’urgence et les hospitalisations liées au cannabis ont également augmenté pendant la pandémie Footnote 1.

Les effets néfastes sur la santé associés à la consommation de cannabis comprennent les blessures mortelles et non mortelles causées par des collisions de véhicules automobiles alors que les conducteurs avaient les facultés affaiblies par le cannabis Footnote 10, Footnote 11, Footnote 12, Footnote 13; une ingestion importante chez les enfants causant des intoxications, une baisse du niveau de conscience et d’autres symptômes Footnote 14, Footnote 15, Footnote 16, Footnote 17, Footnote 18 et, chez les adultes, des intoxications, des troubles gastro-intestinaux et des symptômes psychiatriques, entre autres Footnote 19.

Ce que l’on sait sur les intoxications liées à la consommation de substances selon l’eSCHIRPT

Comment les cas ont été recensés

On a interrogé la base de données de l’eSCHIRPT pour sélectionner tous les cas ayant été enregistrés entre le 1er avril 2011 et le 11 mai 2021 inclusivement, et dont le premier diagnostic (le plus grave) était une intoxication (n = 46 454 intoxications, soit 3,1 % des dossiers de l’eSCHIRPT).

Parmi toutes les intoxications, qui englobent différents produits chimiques et substances, celles liées à l’alcool, au cannabis, à la méthamphétamine, aux opioïdes (dont la codéine, l’oxycodone, la morphine, l’héroïne, le fentanyl et autres), à la cocaïne, aux cigarettes électroniques et aux produits de vapotage ont été recensées à l’aide de termes de recherche bilingues.

Combien y a-t-il eu de cas d’intoxication liés à la consommation de substances et quelle était la répartition des substances consommées ?

Dans l’ensemble, 41,8 % des cas d’intoxication (19 416 sur 46 454 cas d’intoxication) concernaient au moins l’une des six substances suivantes : alcool, cannabis, méthamphétamine, opioïdes, cocaïne, cigarettes électroniques et produits de vapotage. Cela équivaut à 1,3 % de tous les dossiers de l’eSCHIRPT pendant la période d’étude.

Parmi toutes les intoxications liées aux substances sélectionnées, l’alcool était la substance la plus souvent signalée (69 %), suivie du cannabis (20 %). Le classement des six substances ainsi que les pourcentages par rapport à tous les cas d’intoxication (n = 19 416) liés à la consommation de substances sont les suivants :

  1. Alcool (n= 13 409; 69,1 % des cas)
  2. Cannabis (n = 3 961; 20,4 % des cas)
  3. Opioïdes (n = 2 732; 14,1 % des cas)
  4. Méthamphétamine (n = 2 306; 11,9 % des cas)
  5. Cocaïne (n = 1 385, 7,1 % des cas)
  6. Cigarettes électroniques et produits de vapotage Footnote (n = 163; 0,8 % des cas)

Notez que ces pourcentages ne totalisent pas 100 %, car de nombreux patients ont déclaré avoir consommé plus d’une substance à la fois (polytoxicomanie).

Sexe et âge

Les statistiques sur le sexe et l’âge sont présentées sous forme de taux par rapport à tous les cas dans la base de données de l’eSCHIRPT.

Parmi toutes les intoxications liées aux substances sélectionnées (dont celles concernant le cannabis), les femmes représentaient 1 355,1 cas pour 100 000 dossiers de l’eSCHIRPT, contre 1 247,8 cas chez les hommes.

Parmi les intoxications liées au cannabis (dont la polytoxicomanie), les femmes représentaient 270,9 cas pour 100 000 dossiers de l’eSCHIRPT, contre 259,0 cas chez les hommes.

En ce qui concerne les groupes d’âge, parmi toutes les intoxications liées aux substances sélectionnées (dont celles concernant le cannabis), les adultes de 20 ans et plus représentaient un taux de 3 204,4 cas pour 100 000 dossiers de l’eSCHIRPT, contre 777,0 cas chez les enfants et les jeunes de 0 à 19 ans. Le nombre de cas ainsi que leurs dénombrements normalisés respectifs pour chaque groupe d’âge sont présentés dans le tableau 1.

Tableau 1. Répartition normalisée* des consultations au service des urgences pour les intoxications liées à la consommation de substances**, par groupe d’âge, eSCHIRPT, de 2011 à 2021, pour 100 000 dossiers
Groupe d’âge Nombre de cas Cas pour 100 000 dossiers de l’eSCHIRPT
0 à 19 ans 9 187 777,0
 0 à 4 ans 706 178,1
 5 à 9 ans 130 46,8
 10 à 14 ans 2 205 665,8
 15 à 19 ans 6 146 3 467,9
20 ans et plus 10 217 3 204,4
 20 à 29 ans 2 784 3 493,4
 30 à 39 ans 2 584 4 682,2
 40 à 49 ans 1 928 4 240,6
 50 à 64 ans 2 233 3 225,1
 65 ans et plus 688 993,4
Total*** 19 404 1 292,5
*Les taux sont exprimés sous forme de fréquence normalisée par rapport aux dénominateurs de la base de données de l’eSCHIRPT (et non par rapport aux dénominateurs de la population canadienne). Ainsi, les taux pour 100 000 dossiers sont normalisés en fonction de tous les cas de la base de données pour le groupe d’âge donné. Il s’agit d’une représentation plus précise du fardeau de ces intoxications dans les groupes d’âge en raison de la répartition inégale par âge dans la base de données, qui découle d’une proportion plus élevée d’hôpitaux pédiatriques que d’hôpitaux généraux.
**Comprend la consommation d’alcool, de cannabis, de cocaïne, de méthamphétamine, d’opioïdes et de cigarettes électroniques et de produits de vapotage.
***Exclut 12 cas pour lesquels il manquait des renseignements sur le groupe d’âge.

En ce qui concerne les intoxications liées au cannabis chez les enfants et les adultes, les adultes âgés de 20 ans et plus représentaient 319,6 cas pour 100 000 dossiers de l’eSCHIRPT, comparativement aux enfants et aux jeunes âgés de 0 à 19 ans, avec 248,7 cas. Le nombre de cas ainsi que leurs dénombrements normalisés respectifs pour chaque groupe d’âge sont présentés dans le tableau 2.

Tableau 2. Répartition normalisée* des consultations au service des urgences pour les intoxications liées à la consommation de cannabis**, par groupe d’âge, eSCHIRPT, de 2011 à 2021, pour 100 000 dossiers
Groupe d’âge Nombre de cas Cas pour 100 000 dossiers de l’eSCHIRPT
0 à 19 ans 2 941 248,7
 0 à 9 ans 291 43,2
 10 à 14 ans 698 210,8
 15 à 19 ans 1 952 1 101,4
20 ans et plus 1 019 319,6
 20 à 29 ans 469 588,5
 30 à 39 ans 261 472,9
 40 à 49 ans 137 301,3
 50 à 64 ans 130 187,8
 65 ans et plus 22 31,8
Total*** 3 960 263,8
*Les taux sont exprimés sous forme de fréquence normalisée par rapport aux dénominateurs de la base de données de l’eSCHIRPT (et non par rapport aux dénominateurs de la population canadienne). Ainsi, les taux pour 100 000 dossiers sont normalisés en fonction de tous les cas de la base de données pour le groupe d’âge donné. Il s’agit d’une représentation plus précise du fardeau de ces intoxications dans les groupes d’âge en raison de la répartition inégale par âge dans la base de données, qui découle d’une proportion plus élevée d’hôpitaux pédiatriques que d’hôpitaux généraux.
**Comprend la consommation unique de cannabis ou le cannabis en combinaison avec l'une des substances suivantes : alcool, méthamphétamine, opioïdes, cocaïne et cigarette électronique ou produits de vapotage.
***Exclut un cas pour lesquels il manquait des renseignements sur le groupe d’âge.

Lorsque l’on considère ensemble l’âge et le sexe parmi toutes les intoxications liées aux substances sélectionnées (dont celles concernant le cannabis), les hommes de 30 à 39 ans représentaient un taux de 4 860,9 cas pour 100 000 dossiers de l’eSCHIRPT, suivis par les hommes de 40 à 49 ans avec 4 760,0 cas et les femmes de 15 à 19 ans avec 4 550,3 cas pour 100 000 dossiers.

Parmi les intoxications liées au cannabis (dont la polytoxicomanie), les femmes de 15 à 19 ans représentaient un taux de 1 211,6 cas pour 100 000 dossiers de l’eSCHIRPT, suivies par les hommes de 15 à 19 ans avec 1 019,0 cas et les hommes de 20 à 29 ans avec 660,1 cas pour 100 000 dossiers.

Quel pourcentage de cas ont mené à une hospitalisation ?

Le pourcentage d’hospitalisation pour des intoxications liées au cannabis était semblable à celui des hospitalisations pour tous les cas d’intoxication liés aux substances sélectionnées (8,6 % contre 8,7 %, respectivement).

Où les intoxications liées à la consommation de substances se sont-elles produites ?

Les renseignements sur le lieu étaient inconnus dans 45,4 % de tous les cas d’intoxication liés à la consommation de substances. Parmi les cas où le lieu était connu (n = 10 598), le lieu le plus souvent signalé pour les intoxications liées à la consommation de substances était une résidence privée (61,2 %; n = 6 488), comme le domicile du patient ou celui d’un ami.

Les renseignements sur le lieu étaient inconnus dans 44,9 % des cas liés au cannabis. Parmi les cas où le lieu était connu (n = 2 182), la majorité des intoxications liées à la consommation de cannabis se sont produites dans une résidence privée (62,3 %; n = 1 359), comme le domicile du patient ou celui d’un ami.

À quel point la consommation de plus d’une substance à la fois était-elle courante ?

La consommation de plus d’un type de substance à la fois (polytoxicomanie) a été signalée dans 20,0 % (n = 3 874) de tous les cas d’intoxication liés à des substances sélectionnées. Les trois principales combinaisons de polytoxicomanie suivantes mettent chacune en cause deux substances :

  1. L’alcool et le cannabis dans 35,9 % (n = 1 392) des cas de polytoxicomanie (et dans 7,2 % de toutes les intoxications liées à la consommation de substances).
  2. L’alcool et la méthamphétamine dans 12,1 % (n = 468) des cas de polytoxicomanie (et dans 2,4 % de toutes les intoxications liées à la consommation de substances).
  3. L’alcool et la cocaïne dans 11,9 % (n = 460) des cas de polytoxicomanie (et dans 2,4 % de toutes les intoxications liées à la consommation de substances).

Quelle était la proportion de cas d’automutilation intentionnelle ?

Des cas d’automutilation intentionnelle (avec ou sans intention suicidaire) ont été signalés pour 20,2 % de tous les cas d’intoxication liés à la consommation de substances (y compris le cannabis) contre 15,9 % des cas d’intoxication liés au cannabis (y compris la polytoxicomanie).

Quelle était l’intention de ne consommer que du cannabis, comparativement à la combinaison avec d’autres substances ?

Parmi les événements liés au cannabis, l’intention a été déterminée dans 82,6 % (n = 3 270) des cas (p. ex. intoxication accidentelle, automutilation intentionnelle avec ou sans intention suicidaire, voie de fait, ou toute autre intention comme complications médicales ou chirurgicales et opération policière). Les autres cas ont reçu le code « Événement d’intention non déterminée ».

Lorsque l’on considère l’intention parallèlement à la consommation de cannabis seul ou en combinaison avec d’autres substances, les deux principales circonstances les plus couramment signalées pour les deux groupes étaient les suivantes :

Pour le cannabis seul (n = 1 648) :

  1. Intoxication accidentelle dans 82,9 % (n = 1 366) de tous les cas de consommation de cannabis seul.
  2. Automutilation intentionnelle, avec ou sans intention suicidaire, dans 15,4 % (n = 253) de tous les cas de consommation de cannabis seul.

Cannabis en combinaison avec d’autres substances (n = 1 622) :

  1. Intoxication accidentelle dans 73,7 % (n = 1 196) de tous les cas consommation de cannabis avec d’autres substances.
  2. Automutilation intentionnelle, avec ou sans intention suicidaire, dans 23,1 % (n = 375) de tous les cas de consommation de cannabis avec d’autres substances.

En savoir plus sur la source de données

Le SCHIRPT est un système de surveillance sentinelle des blessures et des intoxications actuellement en place dans les services d’urgence de 11 hôpitaux pédiatriques et de 10 hôpitaux généraux au Canada Footnote 20, Footnote 21. Il permet de recueillir les témoignages des patients sur les circonstances de blessures avant l’événement (« Qu’est-ce qui s’est passé? »), et les renseignements cliniques sont ajoutés au formulaire de collecte de données par le personnel de l’hôpital Footnote 20, Footnote 21. Le SCHIRPT donne une image plus complète de l’événement de blessure que les données administratives hospitalières ou sur la mortalité seulement, et recense également les cas de blessures moins graves qui ne nécessitent pas d’hospitalisation Footnote 21.

La présente étude ne représente pas toutes les intoxications liées à la consommation de substances au Canada, car le SCHIRPT est en œuvre dans certains hôpitaux canadiens seulement et parce que l’étude a uniquement pris en compte certaines substances pour lesquelles une intoxication était le diagnostic le plus grave. Les adultes de plus de 18 ans, les Autochtones (dont les Inuits, les Métis et les Premières Nations) et les personnes vivant en région rurale peuvent être sous-représentés dans la base de données de l’eSCHIRPT, puisque la majorité des établissements participant au SCHIRPT sont des hôpitaux pédiatriques situés dans de grandes villes. L’automutilation intentionnelle peut également être sous-déclarée parmi les patients ne souhaitant pas divulguer l’intention de leur intoxication. Les blessures mortelles sont également sous-représentées dans cette base de données puisque les données des services d’urgence ne tiennent pas compte des personnes qui sont décédées avant leur arrivée à l’hôpital ou de celles qui sont décédées après avoir été admises à l’hôpital à partir d’un autre service. La saisie de l’information dans la base de données de l’eSCHIRPT se fait de façon continue; par conséquent, les données de certaines années pourraient être incomplètes.


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