Surveillance sentinelle des intoxications liées à la consommation de substances au Canada : pleins feux sur les opioïdes Publié le : ()
Une attention accrue a été portée aux blessures et aux intoxications liées à la consommation de substances au Canada au cours des dernières années en raison des menaces émergentes pour la santé publique, plus particulièrement associées à la crise des surdoses d’opioïdes, à la consommation de cannabis et à l’émergence des cigarettes électroniques sur le marché canadien.
Ce blogue de données présente des statistiques sur les intoxications dues à certaines substances, et met l’accent sur les opioïdes. C’est le deuxième d’une série de blogues de données présentant des statistiques sur les intoxications liées aux substances signalées par le Système canadien hospitalier d’information et de recherche en prévention des traumatismes (SCHIRPT). Le premier blogue de données a présenté les principaux résultats de récentes études de surveillance basées sur des analyses de la base de données électronique du SCHIRPT (eSCHIRPT).
Les prochains blogues de données présenteront des statistiques tirées de la base de données électronique du SCHIRPT en temps opportun sur diverses substances tout au long de la période 2020-2021, et des articles scientifiques plus détaillés sont également prévus pour 2021 et les années subséquentes. Ce travail contribue à faire la lumière sur les méfaits liés aux substances au Canada, et complète les informations provenant d’autres sources de données.
La surveillance des blessures et des intoxications par le SCHIRPT et d’autres initiatives s’est poursuivie tout au long de la pandémie de COVID-19, et les futures études de surveillance examineront ses impacts sur le fardeau des intoxications liées aux substances et d’autres contextes.
Ce que nous savons des méfaits liés aux opioïdes et des mesures fédérales au Canada
Selon les travaux du Comité consultatif spécial sur l’épidémie de surdoses d’opioïdes, qui est un organisme fédéral, provincial et territorial canadien, il y a eu 16 364 décès apparents liés aux opioïdes au Canada entre janvier 2016 et mars 2020Footnote 1. En 2020 (de janvier à mars), 72 % de ces décès concernaient un ou plusieurs types de substances non opioïdesFootnote 1. De nombreuses surdoses mortelles résultent de l’offre illégale de drogues contenant des opioïdes synthétiques hautement toxiques comme le fentanyl et des analogues du fentanylFootnote 2. Entre janvier 2016 et mars 2020, il y a eu 20 523 hospitalisations pour intoxication aux opioïdes au Canada (excluant le Québec)Footnote 1, et peu de données laissent présager que la crise s’atténue. Malgré les efforts déployés pour faire face à la crise des surdoses d’opioïdes, la pandémie actuelle de COVID-19 a entraîné des augmentations marquées partout au CanadaFootnote 3Footnote 4. De plus amples informations sur les mesures prises par le gouvernement du Canada pour faire face à la crise des surdoses d’opioïdes sont fournies dans le document Mesures fédérales sur les opioïdes – AperçuFootnote 5.
Ce que nous savons des intoxications liées à la consommation de substances à partir de la base de données électronique du SCHIRPT
Comment les cas ont été choisis?La base de données électronique du SCHIRPT a été interrogée le 13 juillet 2020 pour sélectionner tous les cas y ayant été enregistrés jusqu’au 30 juin 2020 inclus, avec une date de blessure à partir du 1er avril 2011, et dont le premier diagnostic (le plus grave) était une intoxication (n = 36 437 intoxications, soit 2,8 % des enregistrements du SCHIRPT).
Parmi ceux-ci, des cas d’intoxication liés à certaines drogues non médicales et illégales, ou à des médicaments opioïdes, y compris ceux contenant des opioïdes (p. ex. oxycodone, fentanyl, Tylenol® avec codéine, sirop contre la toux contenant de la codéine, et autres) ont été sélectionnés pour être inclus dans cette étude. Les cas ont été recensés en utilisant une combinaison de codes numériques prédéfinis et une grande variété de mots-clés bilingues décrivant à la fois les noms pharmaceutiques et génériques des médicaments, et les noms techniques et familiers des drogues non médicales et illégales. Il s’agit notamment des substances suivantes : alcool, cannabis, méthamphétamine, opioïdes (dont la codéine, l’oxycodone, la morphine, l’héroïne, le fentanyl et autres), cocaïne et cigarettes électroniques et produits de vapotage.
Combien y a-t-il eu de cas d’intoxication liés à des substances et quelle était la répartition des substances utilisées?
Dans l’ensemble, 40,0 % des cas d’intoxication (14 569 sur 36 437 cas d’intoxication) concernaient au moins une des substances suivantes : alcool, cannabis, méthamphétamine, opioïdes, cocaïne, cigarettes électroniques et produits de vapotage. Cela équivaut à 1 % de tous les enregistrements de la base de données électronique du SCHIRPT pendant la période d’étude.
L’alcool a été la substance la plus souvent signalée, et le classement des six substances est le suivant :
- Alcool (n = 10 575, 72,6 % des cas)
- Cannabis (n = 2 931, 20,1 % des cas)
- Méthamphétamine (n = 1 694, 11,6 % des cas)
- Opioïdes (n = 1 656, 11,4 % des cas)
- Cocaïne (n = 1 011, 6,9 % des cas)
- Cigarette électronique et produits de vapotage (n = 107, 0,7 % des cas)
Notez que ces pourcentages ne totalisent pas 100 %, car de nombreux patients ont déclaré avoir consommé plus d’une substance à la fois (polytoxicomanie).
Sexe et âge
Les statistiques sur le sexe et l’âge sont présentées sous forme de proportions de tous les cas dans la base de données électronique du SCHIRPT. Il s’agit d’une représentation plus précise du fardeau des intoxications liées aux substances chez les hommes par rapport aux femmes et selon les groupes d’âge, en raison de la répartition inégale par âge et par sexe dans la base de données.
Chez les femmes, il y a eu 1 170,4 intoxications liées à des substances (y compris les opioïdes) pour 100 000 enregistrements dans la base de données électronique du SCHIRPT, contre 1 059,0 cas pour 100 000 enregistrements chez les hommes.
En ce qui concerne les intoxications liées aux opioïdes (y compris la polytoxicomanie), il y a eu 138,5 cas pour 100 000 enregistrements dans la base de données électronique du SCHIRPT chez les femmes, contre 116,2 cas pour 100 000 enregistrements chez les hommes.
En ce qui concerne des intoxications liées à des substances chez les enfants par rapport aux adultes, l’ensemble des adultes âgés de 20 ans et plus représentait une proportion de 2 815,4 cas pour 100 000 enregistrements dans la base de données électronique du SCHIRPT, contre 680,9 cas pour 100 000 enregistrements chez les enfants et les jeunes âgés de 0 à 19 ans.
Les adultes âgés de 30 à 39 ans représentent une proportion de 3 951,7 cas pour 100 000 enregistrements dans la base de données électronique du SCHIRPT, et ceux âgés de 40 à 49 ans suivent avec 3 749,6 cas pour 100 000 enregistrements.
Il est toutefois important de noter que parmi toutes les intoxications liées à des substances, si l’on considère l’âge et le sexe ensemble, les hommes âgés de 40 à 49 ans représentent une proportion de 4 153,1 cas pour 100 000 enregistrements dans la base de données électronique du SCHIRPT, suivies par les femmes âgées de 15 à 19 ans avec 4 011,9 cas pour 100 000 enregistrements.
En ce qui concerne les intoxications liées aux opioïdes (y compris la polytoxicomanie), l’ensemble des adultes âgés de 20 ans et plus représentait une proportion de 318,8 cas pour 100 000 enregistrements dans la base de données électronique du SCHIRPT, contre 77,7 cas pour 100 000 enregistrements chez les enfants et les jeunes âgés de 0 à 19 ans.
Les adultes âgés de 30 à 39 ans représentent une proportion de 551,1 cas pour 100 000 enregistrements dans la base de données électronique du SCHIRPT, et ceux âgés de 40 à 49 ans suivent avec 419,6 cas pour 100 000 enregistrements.
Lorsque l’on considère ensemble l’âge et le sexe parmi les intoxications liées aux opioïdes (y compris la polytoxicomanie), les hommes âgés de 30 à 39 ans représentent une proportion de 569,6 cas pour 100 000 enregistrements dans la base de données électronique du SCHIRPT, suivis par les femmes âgées de 30 à 39 ans avec 521,6 cas pour 100 000 enregistrements.
Quels types de soins hospitaliers se sont avérés nécessaires?
Une admission à l’hôpital a été nécessaire pour 8,1 % de tous les cas d’intoxication liés à des substances (y compris ceux impliquant des opioïdes), contre 18,2 % des intoxications liées aux opioïdes (y compris la polytoxicomanie).
Où les intoxications liées à des substances se sont-elles produites?
Les renseignements sur le lieu étaient inconnus dans 44,5 % des cas d’intoxication liés à des substances. Parmi les cas où le lieu était connu (n = 8 028), le lieu le plus souvent signalé pour les intoxications liées à des substances était une résidence privée, soit le domicile du patient (42,0 %), soit celui d’une autre personne (18,6 %).
Les renseignements sur le lieu étaient inconnus dans 27,8 % des cas liés aux opioïdes. Parmi les cas où le lieu était connu (n = 1 197), près des trois quarts des intoxications liées aux opioïdes se sont produites dans une résidence privée, soit le domicile du patient (60,2 %), soit celui d’une autre personne (10 %).
Quelle est la proportion de cas d’automutilation intentionnelle?
Des cas d’automutilation intentionnelle, y compris des tentatives de suicide, ont été signalés pour 22,0 % de tous les cas d’intoxication liés à des substances (y compris ceux impliquant des opioïdes), contre 40,3 % des cas d’intoxication liés aux opioïdes (y compris la polytoxicomanie).
Quelle était l’intention de n’utiliser que des opioïdes, par rapport à la combinaison avec d’autres substances?
Ces résultats sont issus d’une analyse plus approfondie de l’intention, basée sur un échantillon aléatoire de 25 % (n = 386) des cas d’intoxication liés aux opioïdes, afin de fournir un aperçu de ce que les données montrent.
Dans l’ensemble, les intoxications non intentionnelles impliquant des opioïdes (utilisés seuls ou avec d’autres substances) étaient plus fréquentes que les automutilations intentionnelles, tant dans l’ensemble des données sur les opioïdes que dans cet échantillon de 25 %.
Cependant, si l’on considère l’intention parallèlement à la consommation d’opioïdes seuls ou en combinaison avec d’autres substances, les trois circonstances particulières les plus courantes signalées dans l’échantillon étaient les suivantes :
- Automutilation intentionnelle, y compris la tentative de suicide avec intoxication par des opioïdes combinés à d’autres substances, dans 29,0 % des cas.
- Intoxication involontaire due à l’utilisation exclusive d’opioïdes dans 18,4 % des cas.
- Automutilation intentionnelle, y compris la tentative de suicide avec intoxication due à l’utilisation exclusive d’opioïdes dans 14,4 % des cas.
Les jeunes enfants ayant trouvé des substances (ou soupçonnés d’avoir trouvé des substances) représentaient 12,2 % des cas d’intoxication due aux opioïdes. En outre, 1,8 % des intoxications involontaires liées aux opioïdes étaient le résultat d’erreurs dans l’administration des médicaments chez les enfants de 0 à 19 ans et les adultes de plus de 50 ans.
La consommation de plus d’une substance à la fois était-elle courante?
L’utilisation de plus d’une substance à la fois (polytoxicomanie) a été signalée dans 19,9 % (n = 2 899) des cas d’intoxication liés aux substances. La consommation de trois substances ou plus a été signalée dans 15,2 % des cas de polytoxicomanie. Les trois principales combinaisons de polytoxicomanie suivantes impliquent chacune deux substances :
- L’alcool et le cannabis, dans 37,5 % des cas de polytoxicomanie (et dans 7,5 % de toutes les intoxications liées à des substances)
- L’alcool et la méthamphétamine, dans 12,7 % des cas de polytoxicomanie (et dans 2,5 % de toutes les intoxications liées à des substances)
- L’alcool et la cocaïne, dans 11,5 % des cas de polytoxicomanie (et dans 2,3 % de toutes les intoxications liées à des substances)
En savoir plus sur la source de données
Le SCHIRPT est un système de surveillance sentinelle des blessures et des intoxications actuellement en place dans les services d’urgence de 11 hôpitaux pédiatriques et de neuf hôpitaux généraux au CanadaFootnote 6Footnote 7. Il recueille les témoignages des patients sur les circonstances de blessures avant l’événement (« Qu’est-ce qui s’est passé? ») et les renseignements cliniques sont ajoutés au formulaire de collecte de données par le personnel de l’hôpitalFootnote 6Footnote 7. Le SCHIRPT donne une image plus complète de l’événement de blessure que les données administratives hospitalières ou sur la mortalité seulement, et signale également les cas de blessures moins graves qui ne nécessitent pas d’hospitalisationFootnote 6.
Cette étude ne représente pas toutes les intoxications liées à des substances au Canada, car le SCHIRPT est en œuvre dans certains hôpitaux canadiens, et parce que l’étude était axée uniquement sur certaines substances pour lesquelles une intoxication était le diagnostic le plus grave (selon que des blessures s’ajoutaient à l’intoxication ou qu’il s’agissait du seul diagnostic). Les adolescents de plus de 18 ans, les Autochtones et les personnes vivant en région rurale peuvent être sous-représentés dans la base de données électronique du SCHIRPT puisque la majorité des sites visés par le SCHIRPT sont des hôpitaux pédiatriques situés dans de grandes villes. Les blessures mortelles y sont également sous représentées puisque les données des services d’urgence ne tiennent pas compte des personnes qui sont décédées avant leur arrivée à l’hôpital ou de celles qui sont décédées après avoir été admises aux urgences à partir d’un autre service. La saisie de l’information dans la base de données électronique du SCHIRPT se fait de façon continue; par conséquent, les données de certaines années pourraient être incomplètes.