Dans le domaine de la santé publique, plusieurs mesures sommaires sont utilisées pour évaluer les inégalités. Dans le cadre de ce projet, trois mesures des effets et trois mesures de l’impact1 ont été calculées pour évaluer la distribution des inégalités selon les groupes démographiques (tableau 1).
Mesures des effets Importance de l’inégalité entre deux groupes démographiques |
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Mesures de l’impact sur la population Impact de l’importance de l’inégalité entre deux groupes démographiques dans l’ensemble de la population |
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Interprétation des mesures de l’inégalité
Les mesures de l’inégalité en santé utilisées dans ce projet témoignent de la variation potentielle de taux selon l’hypothèse que les autres groupes démographiques2 peuvent atteindre l’état de santé du groupe le plus avantagé.
- Le RT et la DT expriment la différence de taux entre deux groupes démographiques quant à l’inégalité relative et absolue, respectivement, alors que la FA représente la proportion (%) du taux d’un groupe qui est attribuable à l’inégalité de ce groupe par rapport à un autre groupe (celui de référence).
- Le TAP, la FAP et le NPRP eexpriment la variation en absolu, en pourcentage ou en nombre absolu, respectivement, de la survenue (taux) d’une issue de santé dans la population totale, selon l’hypothèse que le groupe le moins avantagé présenterait la même survenue de l’issue de santé que le groupe de référence. Ces mesures traduisent non seulement la différence de taux entre deux groupes, mais aussi son importance dans la population totale. Ainsi, plus grands sont les groupes qui présentent des taux (forte survenue ou prévalence de l’issue de santé) et des inégalités élevées, plus grande est la réduction potentielle du taux de l’ensemble de la population.
- Bien que les inégalités soient fréquemment calculées et présentées seulement pour les groupes extrêmes de la distribution (c’est à dire le plus avantagé et le plus désavantagé), pour les besoins du présent projet, il a été décidé de fournir les mesures sommaires de tous les sous groupes (c’est à dire que chaque groupe de revenu est comparé au groupe de référence) afin de mieux présenter la distribution des inégalités et de souligner les possibles gradients.
- Selon l’indicateur de l’issue de santé et sa source de données, les taux d’incidence (p. ex taux de mortalité) ou les taux de prévalence sont présentés et utilisés pour calculer les mesures sommaires.
- Toutes les mesures sommaires sont fondées sur des taux ajustés pour l’âge et ne tiennent pas compte des liens complexes entre les différentes entités sociales ou entre les différents déterminants sociaux de santé qui peuvent exister entre les groupes.
Mesures sommaires de l'inégalité
Ratio de taux (RT)
Le ratio de taux (RT) permet de quantifier l’importance relative de l’inégalité à l’égard d’une issue de santé (ou son indicateur) entre le groupe démographique d’intérêt et le groupe de référence dans une catégorie de stratification sociale. Le RT montre dans quelle proportion inférieure ou supérieure le taux d’une issue diffère entre un groupe démographique d’intérêt et le groupe de référence.
Formule
- : ratio entre le taux dans le groupe démographique d’intérêt i et le taux dans le groupe de référence
- : taux d’une issue dans le groupe démographique d’intérêt i
- : taux d’une issue dans le groupe de référence
indique que le taux dans le groupe démographique d’intérêt est le même que celui dans le groupe de référence.
(valeur positive) indique que le taux dans le groupe démographique d’intérêt est supérieur à celui dans le groupe de référence.
(valeur négative) indique que le taux dans le groupe démographique d’intérêt est inférieur à celui dans le groupe de référence.
Exemple 1 – Ratio de taux
Question : Dans la population A (tableau 2), dans quelle proportion le taux de prévalence de l’obésité est il plus élevé ou plus faible chez les titulaires d’un diplôme d’études secondaires par rapport aux titulaires d’un diplôme d’études universitaires?
Calcul (figure 1) : Les données sur la prévalence de l’obésité chez les adultes de la population A montrent que le taux d’obésité est plus élevé chez les titulaires d’un diplôme d’études secondaires (groupe d’intérêt, catégorie 4) ( = 36 cas pour 100 personnes) que chez les titulaires d’un diplôme d’études universitaires, qui constituent le groupe de référence ( = 12 cas pour 100 personnes). Pour calculer le , il faut diviser 36/100 par 12/100, ce qui donne 3.
Réponse : Dans la population A, le taux d’obésité est trois fois plus élevé chez les titulaires d’un diplôme d’études secondaires que chez les titulaires d’un diplôme d’études universitaires.
De même, nous pouvons affirmer que le taux d’obésité au sein de la population des personnes sans diplôme d’études secondaires est quatre fois plus élevé que celui des titulaires d’un diplôme universitaire.
Tableau 2 : Obésité dans la population A – Stratification selon le niveau de scolarité
Obésité dans la population A – Stratification selon le niveau de scolarité
Niveau de scolarité (catégorie) |
Population totale |
Proportion de la population totale |
Nombre de cas d’obésité |
Proportion de tous les cas |
Taux d’obésité (prévalence) |
Sans diplôme d’études secondaires (catégorie 5) |
400 |
20 % |
192 |
32 % () |
48/100 () |
Diplôme d’études secondaires (catégorie 4) |
500 |
25 % |
180 |
30 % () |
36/100 () |
Études postsecondaires partielles (catégorie 3) |
450 |
22,5 % |
126 |
21 % () |
28/100 () |
Certificat ou diplôme d’un collège communautaire ou d’une école technique (catégorie 2) |
350 |
17,5 % |
66 |
11 % () |
19/100 () |
Diplôme d’études universitaires (référence, catégorie 1) |
300 |
15 % |
36 |
6 % () |
12/100 () |
Total |
2000 () |
100 % |
600 |
100 % |
30/100 () |
Figure 1 : Illustration de ratios de taux dans la population A
- |
Sans diplôme d’études secondaires (catégorie 5) |
Diplôme d’études secondaires (catégorie 4) |
Diplôme d’études universitaires (référence) |
Taux de prévalence |
48 |
36 |
12 |
Ratio de taux |
4 |
3 |
- |
Différence de taux (DT)
La différence de taux (DT) permet de quantifier l’importance de l’inégalité d’après la différence absolue entre le taux dans le groupe démographique d’intérêt et celui dans le groupe de référence.
Formule
- : différence entre le taux dans groupe démographique d’intérêt i et le taux dans le groupe de référence
- : taux de l’issue dans le groupe démographique d’intérêt i
- : taux de l’issue dans le groupe de référence
indique que le taux dans le groupe démographique d’intérêt est le même que celui dans le groupe de référence.
(valeur positive) indique que le taux dans le groupe démographique d’intérêt est supérieur à celui dans le groupe de référence.
(valeur négative) indique que le taux dans le groupe démographique d’intérêt est inférieur à celui dans le groupe de référence.
Exemple 2 – Différence de taux
Question : Combien de cas d’obésité, par 100 personnes, de plus ont été déclarés dans le groupe démographique constitué des titulaires d’un diplôme d’études secondaires par rapport au groupe démographique constitué des titulaires d’un diplôme d’études universitaires?
Calcul (figure 2) : Selon l’exemple précédent, nous pouvons voir que la prévalence de l’obésité est plus élevée chez les titulaires d’un diplôme d’études secondaires (groupe d’intérêt) ( = 36 cas pour 100 personnes) que chez les titulaires d’un diplôme d’études universitaires, qui constituent le groupe de référence ( = 12 cas pour 100 personnes). Pour calculer la , il faut soustraire 12/100 de 36/100, ce qui donne 24/100.
Réponse : Dans la population A, il y a 24 cas d’obésité de plus pour 100 personnes chez les titulaires d’un diplôme d’études secondaires que chez les titulaires d’un diplôme d’études universitaires.
Selon la même méthode de calcul, nous pouvons également affirmer qu’il y a 36 cas d’obésité de plus pour 100 personnes chez les personnes sans diplôme d’études secondaires que chez les titulaires d’un diplôme d’études universitaires.
Figure 2 : Illustration de différences de taux dans la population A
- |
Sans diplôme d’études secondaires (catégorie 5) |
Diplôme d’études secondaires (catégorie 4) |
Diplôme d’études universitaires (référence) |
Taux de prévalence |
48 |
36 |
12 |
Différence de taux |
36 |
24 |
- |
Fraction attribuable (FA)
La fraction attribuable (FA) permet de quantifier le pourcentage de réduction de taux qui pourrait être atteint dans le groupe démographique d’intérêt s’il présentait le même taux que le groupe de référence.
Formule
- : fraction attribuable de l’issue de santé dans le groupe démographique d’intérêt i par rapport au groupe de référence
- : taux de l’issue dans le groupe démographique d’intérêt i
- : taux de l’issue dans le groupe de référence
(valeur négative) interprétation complexe, résultat non présenté, indique que le taux dans le groupe démographique d’intérêt est inférieur à celui dans le groupe de référence
Exemple 3 – Fraction attribuable
Question : Quel serait le pourcentage de réduction hypothétique dans la population du groupe démographique des titulaires d’un diplôme d’études secondaires si leur taux d’obésité était le même que celui du groupe démographique composé des titulaires d’un diplôme d’études universitaires?
Calcul (figure 3) : Selon l’exemple ci dessus, pour calculer la , il faut soustraire 12/100 de 36/100, ce qui donne 24/100. Il faut maintenant diviser 24/100 par 36/100 (, le taux dans le groupe d’intérêt), ce qui donne 0,67, qu’il faut maintenant multiplier par 100 pour obtenir un pourcentage, ce qui produit 67 %.
Réponse : Dans la population A, le taux d’obésité chez les titulaires d’un diplôme d’études secondaires aurait pu être réduit de 67 % si leur taux avait été le même que celui des titulaires d’un diplôme d’études universitaires.
Nous pouvons également affirmer que le taux d’obésité chez le groupe de personnes sans diplôme d’études secondaires aurait pu être réduit de 75 % si leur taux d’obésité avait été le même que celui du groupe démographique de référence composé des titulaires d’un diplôme d’études universitaires.
Figure 3 : Illustration de fractions attribuables dans la population A
- |
Sans diplôme d’études secondaires (catégorie 5) |
Diplôme d’études secondaires (catégorie 4) |
Diplôme d’études universitaires (référence) |
Taux de prévalence |
48 |
36 |
12 |
Différence de taux |
36 |
24 |
- |
Fraction attribuable (%) |
75 % |
67 % |
- |
Fraction attribuable dans la population (FAP)
La fraction attribuable dans la population (FAP), également connue sous le nom de réduction potentielle du taux, permet de quantifier la proportion (en pourcentage) d’une issue qui pourrait être réduite dans la population totale dans l’éventualité où un groupe démographique d’intérêt présenterait le même taux que le groupe de référence.
Une fraction préventive dans la population a été utilisée lorsqu’il est souhaitable d’obtenir un taux positif pour une issue de santé donnée (c’est à dire que cet indicateur est protecteur), tel que l’accès à un dentiste ou à un médecin, ou encore la consommation élevée de fruits et de légumes. La fraction préventive représente la proportion (en pourcentage) d’une issue protectrice qui pourrait être accrue dans la population totale dans l’éventualité où un groupe démographique d’intérêt présentait le même taux que le groupe de référence.
Formule
- : fraction attribuable dans la population propre au groupe démographique d’intérêt i
- : proportion totale de cas dans la population associée au groupe démographique d’intérêt i
- : ratio de taux pour le groupe démographique d’intérêt i par rapport au groupe de référence
(valeur positive) valeur par laquelle la survenue d’une issue de santé dans la population totale pourrait être réduite si le groupe démographique d’intérêt présentait le même taux que le groupe de référence
(valeur négative) interprétation complexe, résultat non présenté, indique que le taux dans le groupe démographique d’intérêt est inférieur à celui dans le groupe de référence
Exemple 4 – Fraction attribuable dans la population
Question : Dans quelle proportion la prévalence de l’obésité serait elle réduite dans la population A si les titulaires d’un diplôme d’études secondaires présentaient le même taux d’obésité que les titulaires d’un diplôme d’études universitaires?
Calcul (figure 4) : Selon l’exemple ci-dessus, le a été évalué à 3. Pour calculer la , il faut connaître la , soit la proportion de tous les cas d’obésité dans la population qui appartiennent au groupe d’intérêt (diplôme d’études secondaires, catégorie 4). Le tableau 2 montre que 30 % de tous les cas d’obésité appartiennent à ce groupe. Par conséquent, la serait égale à :
Réponse : Dans la population A, 20 % de tous les cas d’obésité dans la population totale auraient théoriquement pu être évités si les titulaires d’un diplôme d’études secondaires avaient présenté le même taux de prévalence que les titulaires d’un diplôme d’études universitaires.
De même, si les titulaires d’un diplôme d’études secondaires avaient présenté le même taux de prévalence que les titulaires d’un diplôme d’études universitaires, 24 % de tous les cas d’obésité dans la population totale auraient théoriquement pu être évités dans la population A.
Figure 4 : Illustration de fractions attribuables dans la population au sein de la population A
Taux attribuable dans la population (TAP)
Le taux attribuable dans la population (TAP) permet de quantifier la proportion absolue (en pourcentage) d’une issue de santé qui pourrait être réduite dans la population totale dans l’éventualité où le groupe démographique d’intérêt présenterait le même taux que le groupe de référence.
Formule
- : taux attribuable dans la population propre au groupe démographique d’intérêt i
- : proportion (incidence ou prévalence) de l’issue de santé dans la population totale
- : fraction attribuable dans la population propre au groupe démographique d’intérêt i
(valeur positive) valeur par laquelle le taux totale pourrait être réduit dans la population si le groupe démographique d’intérêt présentait le même taux que le groupe de référence
(valeur négative) non interprétable, résultat non présenté, indique que le taux dans le groupe démographique d’intérêt est inférieur à celui dans le groupe de référence
Exemple 5 – Taux attribuable dans la population
Question : Quelle serait la réduction potentielle du taux3 de prévalence totale de l’obésité de la population A si les titulaires d’un diplôme d’études secondaires présentaient le même taux d’obésité que les titulaires d’un diplôme d’études universitaires?
Calcul : Selon l’exemple précédent, nous avons calculé que la équivaut à 20 %. Pour calculer le il faut connaître la , c’est à dire la prévalence de l’obésité dans la population totale. Les données figurant dans le tableau 2 montrent que la est de 30 cas par 100 personnes. Le serait donc égale , ce qui donne 0,06 (ou 6 cas pour 100 personnes).
Réponse : La prévalence totale de l’obésité dans la population A pourrait être réduite de 6 cas par 100 personnes si les titulaires d’un diplôme d’études secondaires avaient présenté le même taux d’obésité que les titulaires d’un diplôme d’études universitaires. Cela représente une réduction de 30 cas à 24 cas par 100 personnes; en d’autres mots, la prévalence de l’obésité dans la population A diminuerait de 30 % à 24 %.
Nous pouvons également affirmer que la prévalence totale de l’obésité dans la population A pourrait être réduite de 7 cas par 100 personnes si le groupe des personnes sans diplôme d’études secondaires avaient présenté le même taux d’obésité que les titulaires d’un diplôme d’études universitaires. Cela représente une réduction de 30 cas à 23 cas par 100 personnes; en d’autres mots, la prévalence de l’obésité dans la population A diminuerait de 30 % à 23 %.
Figure 5 : Illustration de taux attribuables dans la population au sein de la population A
Nombre de personnes à risque dans la population (NPRP)
Le nombre de personnes à risque dans la population (NPRP) permet de quantifier la réduction potentielle du nombre de cas qui surviendraient dans la population totale dans l’éventualité où le groupe démographique d’intérêt présenterait le même taux que le groupe de référence.
Formule
ou
- : nombre de personnes à risque dans la population propre au groupe démographique d’intérêt i
- : nombre de personnes dans la population
- : proportion totale d’une issue dans la population totale
- : fraction attribuable dans la population propre au groupe démographique d’intérêt i
- : taux attribuable dans la population propre au groupe démographique d’intérêt i
(valeur négative) non interprétable, résultat non présenté, indique que le taux dans le groupe démographique d’intérêt est inférieur à celui dans le groupe de référence
Exemple 6 – Nombre de personnes à risque dans la population (NPRP)
Question : Quel serait le nombre potentiel de cas d’obésité déclarés dans l’ensemble de la population A qui pourraient être évités si les titulaires d’un diplôme d’études secondaires présentaient le même taux d’obésité que les titulaires d’un diplôme d’études universitaires.
Calcul : Selon l’exemple précédent, le a été fixée à 0,06. Pour calculer le , il faut connaître , soit le nombre total de personnes dans la population. Le tableau 2 montre que = 2 000 persons. Le correspond donc à , ce qui donne 120 cas.
Réponse : Dans la population A, 120 cas d’obésité auraient théoriquement pu être évités dans la population totale si les titulaires d’un diplôme d’études secondaires avaient présenté le même taux que les titulaires d’un diplôme d’études universitaires.
Selon la même méthode de calcul, nous pouvons également affirmer que dans la population A, 120 cas d’obésité auraient théoriquement pu être évités dans la population totale si les titulaires d’un diplôme d’études secondaires avaient présenté le même taux que les titulaires d’un diplôme d’études universitaires.
Figure 6 : Illustration du nombre de personnes à risque dans la population au sein de la population A